Textes anciens sur La Buse

Textes anciens sur La Buse

Il y aurait donc un trésor caché !

Pour tenter de mieux comprendre, voyons quel a été le parcours d'Olivier Levasseur dit La Buse.

 

 

B-  Etude des textes anciens

 

 

Résumés de textes contemporains de La Buse, décrivant les faits, vus sous l'angle du suivi des navires et des capitaines

 

[Voir ces textes en annexe; on constate qu'ils se recoupent et se confirment l'un l'autre en plusieurs endroits]

Note: Les commentaires et réflexions sont notées entre [ ]

 

Note concernant les dates citées. Anne Molet Sauvaget, spécialiste de l'histoire de Madagascar et des environs, écrit la chose suivante: “La plupart des pays européens avaient adopté dès le XVI ème siècle la réforme calendaire demandée par les découvertes astronomiques. Ce n'est que par le Calendar Act de 1750 que l'angleterre abandonna l'Old Style Calendar (O.S.) ou calendrier Julien, pour adopter le calendrier Grégorien (N.S.), et pendant les 16ème, 17 ème, et la première moitié du 18 ème siècle, les dates anglaises eurent 11 jours de retard par rapport à celles des européens en général, de la France et la Hollande en particulier.”

On constate les effets de ces différences de calendrier, entre les dates citées par Dumas, gouverneur de Bourbon – territoire français -, et les textes publiés par De Foe, en angleterre.

 

B1-  Résumé du texte de Daniel de Foe publié en 1724 sous le pseudo Ch. Johnson:

 

The history of Pyrates

 

 

( récit concernant England )

 

England sévit dans l'atlantique. Il rebaptise une des ses prises, le Peterborourg, en Victory.

 

Il passe Bonne Espérance et arrive à Madagascar en 1720

 

Il écume la côte de Malabar où il prend plusieurs bateaux indiens.

 

Retour à Madagascar. Chasse de gibiers. Recherche de l'équipage du capitaine pirate Avery [ qui en fait se trouvait de l'autre côté de l'île par 16°54'20" ]; Nettoyage du Victory (34 canons).

 

Départ pour Anjouan (Comores), ou il tombe - avec le Fancy (30 canons) [ rencontré et pris en route? ] d'origine Hollandaise, voir récit du cap. Macraw - sur les navires Cassandra (capitaine Macraw), Greenwich (capitaine Kirby) arrivés depuis le 25 Juillet 1720 pour avitailler, et un navire Hollandais d'Ostende (22 canons).

 

Des pirates (14) avaient pris contact avec Cassandra et Greenwich pour demander du secours, ayant fait naufrage avec l'Indian Queen (38 canons) à Mayotte. Il restait 40 pirates et le capitaine La Buse à Mayotte qui construisaient un sloop pour repartir.

 

Sur l'attaque du Victory et du Fancy, fuite des navires Greenwich (capitaine Kirby), et du navire Hollandais d'Ostende.

 

England récupère la Cassandra et laisse le Fancy endommagé à Macraw. Ce dernier atteindra ainsi Bombay par la suite (du 8 Septembre 1720 à 48 jours plus tard)

 

[ Cassandra est sans doute rebaptisé La Défense. On a probablement récupéré La Buse et son équipage.]

Départ d'Anjouan le 3 Septembre 1720 de Victory (capitaine England) et Cassandra (capitaine Taylor). Les deux navires vont à Maurice.

 

England (qui s'était montré trop favorable à Macraw) est déposé à Maurice avec trois compagnons; ils construiront une embarcation pour rentrer à Madagascar.

C'est La Buse qui prend le commandement du Victory.

 

 

( Récit concernant Taylor et La Buse )

 

Les deux navires La Défense et Victory vont sur les côtes de l'Inde où ils font piraterie.

Fêtes de Noël 1720 où ils consomment une grande partie de leurs provisions.

 

Retour à Maurice mi Février 1721. Doublage et réparation du Victory, et départ le 5 Avril pour Madagascar, pour chercher des citrons! écrivent-ils sur un mur.

 

Arrivés le 8 Avril à Bourbon, ils tombent à St Pierre sur un gros vaisseau portugais (La Vierge du Cap) endommagé par la tempête.

Prise importante en diamants, appartenant en majeure partie au vice roi de Goa.

Prise à St Paul d'un navire d'Ostende (La Ville d'Ostende ex Greyhound de Londres). Envoi du navire

d'Ostende à Madagascar sous équipage de prise.

 

 

[ Lettre de Dumas, gouverneur de Bourbon, au ministre de Maurepas, en date du 20 décembre 1730, Archives Coloniales, Correspondance générale de Bourbon, t. V, 1727-1731.:

... Ce forban a fait en 1721, en rade de cette île, deux prises, l'une d'un vaisseau du Roi de Portugal de 60 pièces de canon, qu'il aborda, et l'autre d'un vaisseau appelé La Ville d'Ostende, appartenant à la Compagnie de cette ville.....; ce La Buse montait pour lors le vaisseau forban Le Victorieux et avait avec lui un autre navire nommé La Défense, commandé par un anglais appelé Taÿler [Taylor]... ]

 

[ Notons que la lettre de Dumas confirme le récit de Johnson/De Foe sur ces faits et les noms des navires ]

 

Le navire d'Ostende sera repris par son équipage, et retournera au Mozambique puis à Goa.

 

Taylor prend le commandement du Vaisseau portugais [ La vierge du Cap ]

Tous les navires vont à Madagascar [ Ste Marie? ] Nettoyage de la Cassandra (alias La Défense) et partage du butin, soit environ 42 diamants chacun, selon leur grosseur

 

Beaucoup de pirates se retirent sur l'île ou à Madagascar avec leur butin, et il ne reste pas assez d'hommes pour armer deux navires: le Victory (qui faisait eau) est brûlé.

 

Projet de partir sur la Cassandra (alias La Défense) (capitaine Taylor), pour vendre les diamants aux hollandais, ou pour continuer la piraterie.

Présence de vaisseaux de guerre anglais sur l'océan indien, pour faire la chasse aux pirates, et changement de plan.

Réparation du vaisseau portugais.

 

Départ du Vaisseau portugais (capitaine Taylor) [ La vierge du Cap ], et de la Cassandra (alias La Défense) [capitaine La Buse ?], pour Delagoa au Mozambique. [ On a retrouvé des hommes ? ]

 

Prise du fort de Delagoa, carénage des deux navires et départ fin décembre 1722, pour Madagascar ou l'Amérique espagnole.

 

[ Il n'est pas fait mention de la prise de la Duchesse de Noailles ]

 

 

Carte des trajets de La Buse selon le récit de Johnson

 

 

Fin de la relation de Johnson

 

 

B2-  Résumé du texte de la relation de Robert (qui est français et n'a probablement pas lu l'histoire des pirates de Johnson/De Foe) en 1730.

Il faisait partie de l'équipage de La duchesse de Noailles.

 

 

Réparation et modification à Ste Marie du Vaisseau portugais [ La vierge du Cap ] qui passe à 60 canons et deux ponts et demi (au lieu de trois), en dix mois et beaucoup de dépenses.

 

Sortie du Vaisseau portugais (60 canons) (capitaine Taylor) et de la Cassandra (alias La Défense) (40 canons, capitaine La Buse ), qui contournent Madagascar par le sud et prennent La Duchesse de Noailles (capitaine Gravé, de St Malo) à l'ancre .

 

[ Ils l'incendient selon Dumas gouverneur de Bourbon

...Il prit aussi et brûla à peu près dans le même temps le vaisseau de la Compagnie de France La Duchesse de Noailles, commandé par le sieur Gravé, de Saint Malo ; ce La Buse montait pour lors le vaisseau forban Le Victorieux et avait avec lui un autre navire nommé La Défense, commandé par un anglais appelé Taÿler [Taylor] ...

Lettre de Dumas, gouverneur de Bourbon, au ministre de Maurepas, en 1730, déjà citée.]

 

 

Version de M. Guët : « En 1721, le forban Olivier Le Vasseur, dit La Buse, surprit en rade de Saint-Denis avec son navire Le Victorieux un vaisseau portugais armé de 60 canons, venant de Goa et ayant à bord le vice-roi des Indes et l'Archevêque de Goa qu'il débarqua dans l'île ainsi que l'équipage, avant d'examiner sa prise. Ces diverses personnes furent ramenées à Lisbonne par Le Triton (Commandant Garnier de Fougeray). Ce même forban prit dans les mêmes eaux de Bourbon un navire hollandais, La Ville d'Ostende, et, en mai de la même année [1721], toujours en vue de l'île, il s'empara d'un vaisseau de la Compagnie française des Indes, La Duchesse de Noailles, qu'il pilla et brûla. Cette dernière prise, dont les habitants de Bourbon attendaient la cargaison avec impatience, mit le comble à leur fureur. Toutefois, l'amnistie, accordée par une délibération du Conseil supérieur de Bourbon en date du 26 janvier 1724, le comprenait ainsi que John Cleyton, mais à la condition qu'ils ne commettraient plus aucun acte de piraterie. Le Vasseur, qui se méfait, préféra ne pas en profiter et continua son fructueux métier. Mais La Méduse que commandait d'Hermitte et qui était envoyée pour assurer la navigation entre Bourbon et Madagascar, surprit La Buse dans les environs de Fort-Dauphin, où il avait établi sa retraite et l'amena enchaîné à Bourbon. Il eut beau se prévaloir de l'amnistie, on lui prouva par arrêt du 17 juillet 1730 que, du moment qu'il avait continué sa vie de pirate, il s'en était exclu, et on le pendit sur la plage de Saint-Denis à l'applaudissement de la populace (Guët, Les Origines (le l'île Bourbon et de la colonisation Française à Madagascar, 1886, p.218

 

[ Commentaire: La version de Mr Guët ne me semble pas à retenir: elle est très postérieure aux faits, et l'analyse de la chronologie des trajets de Levasseur montre qu'en Mai 1721 il était avec Taylor et surtout que La vierge du Cap était en réparation à Sainte Marie; or Robert parle bien de l'attaque de deux bateaux, et lui était sur place et concerné.]

 

[Note: Grandidier note, pour le texte précédent de Johnson/De Foe que les portugais débarqués lors de la prise du vaisseau La Vierge du Cap furent reconduits au Mozambique en 1721 par la Duchesse de Noailles.

Ceci semble confirmé parle témoignage de De Bucquoy ( transcription de Grandidier):

" Nous sommes arrivés à Mozambique vingt jours après [ en Juillet/Août 1723 ] et nous y avons trouvé des portugais qui avaient été pris par les pirates environ deux années auparavant sur la rade de l'île de Mascarin [île Bourbon], et qui nous recommandèrent aux autorités qui nous firent le meilleur accueil "

Mais ce voyage ne peut avoir eu pour but que de ramener des portugais dans un de leurs comptoirs, bien qu'ils fussent perçus comme des bouches à nourrir excessives pour les maigres ressources de Bourbon de l'époque; il était forcément l'occasion de faire du commerce, et de ramener à Bourbon une cargaison d'esclaves.

C'est donc vraisemblablement au cours du voyage de retour de la Duchesse de Noailles que celle-ci fut prise et détruite. Il est probable que cela eut lieu dans la baie de St Augustin, car en effet il semble que les gens de Bourbon aient eu l'habitude de compléter leurs cargaisons d'esclaves à cet endroit avec le roi local, comme en témoigne la relation de voyage: "Journal tenu par le Sr de Jean marchand sur le vaisseau La Vierge de Grâce, pour le commerce de la coste de Sofala", terminé "à St Paul Isle de Bourbon le 14 Xbre 1733". ]

 

[Cependant Walckenaert ne parle pas dans les mêmes termes de ces portugais dans sa transcription du texte de De Bucquoy: les Portugais qui cautionnent les hollandais vis à vis des autorités sont ceux revenus avec de Bucquoy . Mais peut-être les deux versions sont-elles correctes: il a pu y avoir un certain nombre de Portugais prisonniers sur Bourbon et ramenés au Mozambique sur la Duchesse de Noailles, et d'autres emmenés (peut être bien avec leur accord) par les pirates. Il est aussi possible que les traducteurs Grandidier et Walckenaert aient compris différemment la relation confuse de De Bucquoy]

 

Puis Robert rapporte des disputes entre les pirates, des tentatives vaines pour doubler le nord de Madagascar [?], l'échouage volontaire du bateau portugais, La Buse déposé et un massacre de pirates par les autochtones.

En fait, Robert est intéressé par la récupération des diamants et des richesses abandonnés par les pirates aux mains des indigènes, et par les canons du vaisseau portugais échoué.

 

[Tout cela est assez confus et il s'agit manifestement de renseignements recueillis auprès de tiers, probablement des protagonistes compagnons des pirates. Toutefois la possession de diamants par les pirates est confirmée.]

 

 

B3-  Résumé du texte de la relation de Jacques de Bucquoy publiée en 1744, qui prend chronologiquement la suite de Johnson.

 

(Zestien Jaarige Reize naa de Indien gedan door Jacob de Bucquoy, vol Aanmerkelyke ontmoetingen... Voyage de seize ans dans les Indes accompli par Jacob de Bucquoy, plein d'aventures remarquables : notamment ce qui lui arriva pendant sa mission au Rio de la Goa [baie Delagoa], où, les pirates ayant attaqué et pris le Comptoir hollandais. il fut, avec quelques-uns de ses compatriotes, contraint de les suivre en pleine mer et de faire le voyage avec eux; ce qui leur advint ensuite sur leurs navires et comment ils abordèrent à Madagascar; comment ils ont vécu dans celte île, et leurs aventures ultérieures sur les côtes de l'Afrique et de Malabar jusqu'au jour où lui et deux seulement de ses compagnons, après des misères sans nombre, abordèrent à Batavia; son séjour dans cette ville et ses voyages ultérieurs. Avec, çà et là, les notes nécessaires sur la position des lieux, la nature des peuples, etc. ..)

A Haarlem, chez Jan Bosch, marchand de livres et de papier, seconde édition, augmentée d'un tiers environ avec le récit détaillé d'un des compagnons de l'auteur, les relations verbales émanées d'autres personnes et les souvenirs de l'auteur lui-même, chapitre II, pp. 45-98, avec gravures et le portrait du voyageur

 

Dans son Histoire générale des voyages, t. XXI, 1831, in-8°, pp. 4O1-437, Walckenaer donne un récit du voyage de Jacob de Bucquoi (Madagascar, pp 418-433)..

 

...

Le 11 Avril 1722, 3 navires arrivent et mouillent dans la baie de du Rio de Lagoa. Il y a un grand vaisseau de 72 canons avec 500 hommes (capitaine Taylor) et un autre de 42 canons et 250 hommes, La Défense (capitaine La Buse) et un brigantin [pris en route ? ou bien c'est la "barque" qui a livré La Duchesse de Noailles aux pirates ?]

Le 19 Avril 1722 ils prennent le comptoir de Delagoa. et le bateau qui tentait de le défendre (une hourque).

Dans la baie, le gros bâtiment touche, puis se dégage. Dans un coup de vent, le brigantin coule à fond.

[De Bucquoy (hydrographe) est aux premières loges pour raconter, ayant été emmené par les pirates, et logé avec Taylor. Je privilégierai donc son récit dans la suite.]

 

Les pirates restent plus de 2 mois, et repartent (vers le 16 Juillet) en entraînant la hourque (30 canons, 30 hommes), pour Mozambique où ils arrivent après le 6 Août 1722 avec l'idée d'intercepter un bateau portugais; ils croisent devant la ville jusqu'après le 12 Août mais il n'arrive pas de bateau.

 

17 au 18 Août 1722 : Tentative de sécession de La Buse. [ information aussi donnée dans le texte de Robert, voir plus haut, mais mal située chronologiquement par celui-ci ]

La Buse est puni: dégradé, fouetté, biens confisqués au profit de la communauté des pirates.

 

Il y a dispute sur l'opportunité de l'attaque de la ville de Mozambique, puis les trois bateaux partent pour Madagascar.

Arrivée le 4 Septembre 1722 à Madagascar à la rivière Masaliet par 15° Sud [Mahajamba ? Masselage?]

 

Les pirates ont des contacts avec le roi local, notamment pour avoir quelques vivres.

 

Relation par De Bucquoy d'un récit de Taylor, confirmant ainsi la relation de De Foe/Johnson ci avant, sauf que Taylor s'y attribue le rôle d'England, et déplace le lieu des faits.

 

Puis De Bucquoy revient à son récit principal (son texte est assez “décousu”, ce qui explique peut-être qu'on n'en n'ait pas repéré antérieurement toute la valeur)

 

La hourque (capitaine Elk), la Défense (capitaine Taylor), le Vaisseau portugais [ La vierge du Cap ] (capitaine La Buse) repartent le 4 Novembre 1722.

 

La Défense (capitaine Taylor), part vers les Indes Occidentales [les Caraïbes] chargé d'un butin de 121 barils d'argent qui sera cédé avec le bateau pour contrepartie de la protection des pirates par les autorités de Porto Bello, aujourd'hui en Panama, alors en Colombie.

 

Le gros vaisseau portugais (capitaine La Buse) part vers les côtes de l'Arabie et du Golfe persique. (De Bucquoy, seulement à ce point de son récit, dit que c'est l'ex Galderland hollandais, cédé au roi du Portugal et pris à Bourbon sous le nom de "Nostra Senora del Cabo")

 

[De Bucquoy ne parle pas de la destination de la hourque]

 

Restent à terre 22 ex prisonniers hollandais ramenés de Delagoa, qui entreprennent la construction d'un bateau. Les maladies réduisent ce groupe à 8 hommes en trois mois: dernier décès le 23/02/1723.

 

Huit mois après leur arrivée à Madagascar, ils voient revenir des pirates [soit six mois après leur départ, donc en Avril 1723], en deux phases.

D'abord des anglais, qui racontent que le vaisseau portugais s'est échoué dans une baie au nord de Madagascar, qu'ils se sont sauvés au nombre de 125, qu'ils ont construit une embarcation avec les débris du navire, et que les indigènes les ayant massacré, ils sont restés au nombre de 21 et ont pris cette embarcation pour s'enfuir dans le plus grand dénuement, ne conservant pour les plus favorisés que leurs diamants avec eux.

 

Puis des français et des portugais du même groupe arrivent, dans une autre embarcation. Les français chassent les portugais, puis se rendent suite à un malentendu.

[De Bucquoy ne cite pas La Buse parmi les français; y était-il?]

 

C'est dans cette dernière embarcation que De Bucquoy et les hollandais survivants (soit 8 hommes), les 13 portugais et un noir partiront pour rejoindre Delagoa, qu'ils atteindront vingt jours après.

[Les portugais sont des membres de l'équipage de la "Vierge du Cap" prise à Bourbon, emmenés soi disant de force par les pirates]

 

 

 

Carte des trajets de La Buse selon le récit de De Bucquoy

 

 

Fin du report par Grandidier de la relation de De Bucquoy

 

 

[Ce récit est abondamment mêlé de commentaires, dont la règle de partage en vigueur chez les pirates qu'il a fréquenté, et auquel il a assisté:

 

Matelot: une part

Capitaine, bosseman, maître canonnier: une part 1/4

Autres: 1/2 part

Mousses: 1/4 de part

 

On notera le caractère très égalitaire de cette répartition.]

 

 

 

B5-  Le naufrage de La Vierge du Cap


( C'est donc l'ex Galderland hollandais, cédé au roi du Portugal et pris à Bourbon sous le nom de "Nostra Senora del Cabo") et commandé à ce moment par La Buse, notons la cohérence des différents récits :

 

(On est en Décembre 1722)

 

Si on regarde les récits de Robert :

....... après avoir tenté plusieurs fois inutilement de repasser par la pointe Nord de Madagascar pour retourner à l'île de Sainte-Marie, mais les courants et les vents contraires les en ayant toujours empêchés, chagrins de ne pouvoir exécuter leur dessein, la discorde se mit entre eux tout à fait. Ils firent exprès échouer le gros vaisseau à la côte dans un endroit nullement fréquenté, en retirèrent ce qu'ils purent et firent partage de leur butin. ....

 

de De Bucquoy :

- transcrit par Grandidier

....Les pirates mirent alors de l'ordre dans leurs affaires, désarmèrent les prisonniers, assurèrent la surveillance, admirent ceux qui se présentaient comme volontaires, ouvrirent avec des leviers les coffres et les caisses et livrèrent au quartier-maître tout ce qu'ils contenaient de diamants et d'or ou d'argent, soit monnayé, soit en barres.

Ces diverses affaires terminées, ils se mirent à boire et il ne fait pas bon alors de s'aventurer au milieu d'eux.

Puis, après diverses descriptions:

.....Tout d'un coup, une nuit, nous entendîmes de grands cris par des gens venant à nous; quand ils furent tout près, nous fumes étonnés de voir que c'étaient les pirates anglais qui étaient partis d'ici avec le grand navire. Ils nous racontèrent que leur vaisseau avait échoué auprès de la pointe Nord de Madagascar et avait été mis en pièces et qu'avant gagné la terre au nombre de cent vingt-cinq, ils avaient décidé de construire une barque avec ses débris; que, pendant qu'ils y travaillaient, leurs esclaves, s'étant entendus avec les indigènes, les avaient surpris à l'heure de la sieste pendant leur sommeil et les avaient massacrés à l'exception de vingt et un, qui réussirent à prendre la fuite. Ce sont ceux-ci qui, après avoir erré longtemps le long de la côte avec leur barque et enduré de grandes souffrances, arrivaient à notre camp presque nus et à moitié morts de faim......

 

- et par Walckenaert

......Une nuit, nous entendîmes tout à coup les habitants du rivage pousser de grands cris; on s'approchait de nous. Quelle fut notre surprise en apercevant les Anglais partis avec le grand navire! Ils nous apprirent qu'il avait échoué sur le cap le plus septentrional de Madagascar, et y avait été mis en pièces. Cent vingt-cinq hommes, s'étant sauvés à terre, avaient décidé de construire un petit bâtiment avec les débris.

Pendant qu'ils étaient occupés à cette besogne, leurs esclaves, d'accord avec les Madecasses, avaient comploté de les surprendre pendant leur sommeil de midi , et de les égorger. Ce projet avait reçu son exécution ; les pirates avaient été massacrés , à l'exception de vingt-un qui avaient pu se sauver sur le navire ; et de ceux qui, après un long voyage et de grandes privations, étaient arrivés moitié morts de faim à l'endroit où nous étions...

 

Tous deux, Robert et De Bucquoy, (avec pour ce dernier deux transcriptions différentes du même texte : la traduction en est assez libre !) parlent du navire échoué, "exprès à la côte", "auprès de la pointe Nord", "sur le cap le plus septentrional". La pointe Nord de Madagascar, d'après les cartes de l'époque, c'est le cap St Sébastien, et de nombreuses baies plus ou moins fermées l'environnent. Ceci est notamment compatible avec le fait que les pirates naufragés reviennent sur la côte Ouest par la suite (et non sur la côte Est vers Sainte Marie plus connue d'eux, mais au trajet plus exposé), sans doute dans le but de se mettre sous la protection du roi local, et mettent pour ce faire suffisamment de temps pour arriver "à moitié morts de faim"; ce qui permettrait de situer l'échouage du vaisseau portugais La Vierge du Cap dans une baie au sud du cap St Sébastien, et l'établissement temporaire des pirates anglais décimés dans cette région.

 

De plus, ce qui précède est à rapprocher des notes suivantes

 

Manuscrit

Dans un manuscrit du Dépôt des Cartes et Plans de la Marine de Paris, volume 842, Mer des Indes, pièce 17, au bas de la page 7, il est dit:" En 1722 Mangaély [les îles Mamoko, dans la baie d'Ampasindava] était un repaire de forbans. On dit qu'il y eut en ce lieu un massacre de forbans fait par les noirs du pays et qu'en conséquence le roi de Massailly [baie de Bombétoke], nommé

Ratocaffe [Ratoakafo], y a envoyé ses soldats pour y égorger tous les noirs, hommes, femmes et enfants, jusqu'aux chiens, et a fait piller tous leurs bestiaux. Depuis ce temps, cet endroit est désert. "

 

Robert

..."ces forbans accoutumés au libertinage, sans considération des bontés que les Insulaires avaient pour eux, eurent l'effronterie de vouloir prendre par force leurs femmes et de maltraiter celles qui ne voulaient pas consentir à leur infâme inclination; le roi de cette province, piqué d'un si mauvais procédé, sur les plaintes qui lui en furent faites par ses sujets, en fit égorger par punition le nombre de quarante, tous Anglais, sans avoir fait aucun mal aux Français parce que ces derniers étaient dans un autre canton séparé, où ils vivaient peut-être plus sagement que les Anglais. Tous les effets de ceux qui se sont trouvés compris dans cette punition sont restés entre les mains des Insulaires ; on est persuadé que, pour peu de chose, on les retirerait, cela n'étant point à leur usage, ne pouvant enfiler les diamants bruts comme ils font avec les grains de Passade, c'est de quoi l'auteur [Robert] est bien informé par des gens qui étaient sur les lieux du temps de ce massacre, aussi bien qu'à quelque chose près de la quantité de diamants qu'on peut y trouver, dans le nombre desquels il y en a d'un prix très considérable: premièrement, il y en a un que l'on dit peser 64 karats, beaucoup entre 30 et 40, entre 20 et 30, entre 10 et 20 et depuis 3 jusqu'à 10. On connaît le roi, qui à cet endroit est puissant, on sait la manière de traiter avec lui, ce qu'il lui faut porter, et l'on est assuré qu'il serait bien aise d'ouvrir un commerce et, les marchandises qu'il achèterait, il lui serait indifférent de les payer en or ou en esclaves."

 

Navire Compton

« Le capitaine du Compton, qui vient d'arriver de Bombay, rapporte que les forbans établis à Madagascar ont si cruellement maltraité les indigènes que ces derniers se sont soulevés et en ont fait un vrai carnage; il n'en est resté que douze, réfugiés dans le bois où ils périrent misérablement » (La Gazette de France du 4 mai 1726).

 

Le massacre en question semble bien avéré, il a fait grand bruit. La date correspond, et le manuscrit du Dépôt des Cartes et Plans de la Marine de Paris situe celui-ci à Mangaely , c'est à dire dans la baie d'Ampasindava, derrière l'île Mamoko, laquelle est décrite par le capitaine Thornton comme un mouillage sûr fréquenté pour la traite.

Au passage, Robert corrobore le récit de de Bucquoy, quand il dit que les français étaient "dans un canton séparé", et qu'ils ont donc échappé au massacre. De Bucquoy les voit effectivement arriver quelques jours après les anglais, et apparemment moins démunis que ceux-ci.

Le roi local, (s'il s'agit bien du même que celui rencontré par de Bucquoy), envoie, selon le manuscrit, son armée punitive dans ce qui doit ressortir de sa juridiction: la résidence royale serait à situer entre les deux sites, au nord de la rivière Masaliet et du 15éme degré de latitude [baie de Mahajamba], et non loin de la baie d'Anpasindava.

 

 

 

On semble donc fondé à conclure que le navire portugais ex Vierge du Cap, après avoir touché au Cap St Sébastien, a pu, sans doute en faisant beaucoup d'eau et en pompant, venir s'échouer dans la baie d'Anpasindava, derrière l'île Mamoko. Il est vraisemblable qu'on trouvera là son épave.

 

 



20/11/2020
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